L’initiative pour un siècle de croissance propre :
Construire l’avenir grâce aux bâtiments à faibles émissions de carbone
Sans intervention, les constructions énergivores vont pomper toutes les ressources et polluer notre air sans arrêt pendant plusieurs dizaines d’années.
Par:
Karen Tam Wu - Directrice du programme de solutions urbaines et des bâtiments, Pembina Institute
Julia Langer - Présidente-directrice Générale, The Atmospheric Fund
Elizabeth McDonald - Présidente-directrice Générale, l’Alliance de l’Efficacité Énergétique du Canada
Jay Nordenstrom - Directeur general, NAIMA Canada
Au Canada, la consommation énergétique de tous les types de bâtiments – pour le chauffage, la climatisation, l’eau chaude et le fonctionnement des appareils ménagers et de bureau – produit près du quart des émissions totales de gaz à effet de serre. Sans intervention, les constructions énergivores vont pomper toutes les ressources et polluer notre air sans arrêt pendant plusieurs dizaines d’années.
Les bâtiments ont une longue durée de vie, plus longue que celles des usines, des automobiles et des appareils ménagers. Les conséquences de leur inefficacité pouvant s’étendre sur des générations, il est grand temps de réfléchir à de nouvelles politiques de construction et d’entretien du parc immobilier. Un engagement marqué et durable pour soutenir les infrastructures intelligentes à consommation énergétique presque nulle – qui produisent presque autant d’énergie qu’elles n’en consomment – entraînera des retombées positives pour l’environnement, l’économie du pays et la santé des Canadiennes et des Canadiens des années durant.
De nombreux propriétaires et entrepreneurs ont pris des mesures simples pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et commerciaux, comme le remplacement des coupe-froid autour des fenêtres et des portes, l’isolation des toits et des murs et le renouvellement des anciennes chaudières. Mais le temps est compté.
De grands changements sont nécessaires pour faire des bâtiments à haute efficacité énergétique une norme plutôt qu’un créneau. Notre environnement regorge de solutions abordables particulièrement efficaces, que ce soit à la maison, dans les tours de bureaux, les écoles, les usines, les hôpitaux, etc. L’amélioration du bâti est sans aucun doute l’outil à la portée des décideurs cherchant à diminuer la pollution par le carbone de façon rapide et économique. Le secteur du bâtiment devrait en fait, et il en a les moyens, viser le dépassement des cibles nationales de réduction des émissions.
Le gouvernement fédéral, en collaboration avec les instances provinciales et municipales, doit élaborer deux politiques clés d’assainissement du bâti s’il veut encourager le développement d’une économie prospère et sobre en carbone. Les vieux édifices mal isolés doivent d’abord être modernisés pour entrer dans le 21e siècle – le siècle « de la croissance propre ». Il faudrait pour ce faire définir une stratégie de rénovation qui prévoirait la révision des codes du bâtiment et encouragerait notamment l’amélioration de l’étanchéité des infrastructures et la prévention de la perte de chaleur, l’installation de meilleures fenêtres, portes et matériaux d’isolation, et la mise à niveau des systèmes de chauffage, de climatisation et de ventilation. Les nouvelles constructions devraient par ailleurs être conçues dans le respect des normes les plus strictes en matière d’efficacité énergétique.
La rénovation : faire du mieux avec du vieux
Les Canadiens passent 90 pour cent de leur temps à l’intérieur. C’est donc sans surprise que la qualité de cet environnement a des conséquences majeures sur leur santé et leur bien-être. Le remplacement des fenêtres mal calfeutrées et des matériaux d’isolation ainsi que l’amélioration des systèmes de ventilation peuvent corriger des problèmes de santé et de confort liés aux courants d’air, à l’excès d’humidité et aux moisissures, sans parler des économies d’énergie. Plusieurs études montrent que les bénéfices sur la santé pourraient représenter jusqu’à 75 pour cent de l’ensemble des bénéfices offerts par les rénovations visant l’efficacité énergétique.
Les programmes et la réglementation qui soutiennent les mesures d’efficacité énergétique réduiront non seulement la pollution par le carbone de façon notable, mails ils seront aussi un puissant moteur économique de l’ère de croissance propre dans laquelle s’engage le Canada. L’innovation dans le secteur du bâtiment peut être la preuve que la réduction des émissions et la croissance verte sont possibles. Les bâtiments écologiques ont déjà créé près de 300 000 emplois au pays. C’est plus que dans les secteurs du pétrole et du gaz, de l’exploitation minière et de la foresterie réunis. Les programmes d’efficacité énergétique sont de formidables générateurs d’emplois locaux : ils font travailler des fabricants et des poseurs de fenêtres, des installateurs de systèmes de chauffage de l’eau par panneaux solaires sur les toits, des experts de l’isolation, etc.
Dans un rapport de 2014 commandé par Ressources naturelles Canada, des chercheurs de l’Acadia Center se sont intéressés aux conséquences des politiques canadiennes en matière d’efficacité énergétique sur le PIB et la création d’emplois. Les auteurs ont conclu que ces programmes entraîneraient une augmentation nette du PIB, avec une contribution à l’économie allant de 230 à 580 milliards de dollars entre 2012 et 2040. Chaque dollar investi dans ces mesures au Canada ferait en fait gagner de 5 à 8 $ au PIB, et chaque million de dollars créerait de 30 à 52 emplois par année.
Les nouvelles constructions : une occasion d’innovation
Les technologies et les normes nécessaires à la construction de bâtiments à consommation énergétique presque nulle sont déjà à l’œuvre dans d’autres pays. Si le Canada veut être compétitif à l’ère de la croissance propre, nous devons mettre en œuvre ces outils à grande échelle, puis déterminer dans quels domaines les innovations canadiennes peuvent faire progresser le marché mondial du bâtiment vert.
Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques vise l’adoption d’un code de construction « prêt à la consommation énergétique nette zéro »d’ici 2030. La quantité d’énergie utilisée par les nouveaux bâtiments annuellement pourrait être produite sur place par des systèmes d’énergie renouvelable (comme les panneaux solaires). Vancouver est allée encore plus loin avec son plan en faveur des constructions à émissions nulles en vertu duquel l’exploitation de la plupart des nouvelles infrastructures urbaines ne produira aucun gaz à effet de serre d’ici 2030.
Les bâtiments à émissions presque nulles sont rares au Canada, mais ils forment déjà un marché de 14 milliards de dollars US en Europe. Dans le cadre de la directive sur l’efficacité énergétique de 2012 de l’Union européenne, toutes les nouvelles constructions devront émettre un niveau quasi nul d’émissions d’ici la fin 2020, et cet objectif devra être atteint pour les nouvelles infrastructures publiques d’ici la fin 2018. Encourager l’adoption anticipée de telles normes dans notre pays (au moyen d’incitatifs et de financement, par exemple) incitera le marché à les faire progressivement respecter dans l’ensemble des projets immobiliers.
La conception des bâtiments écologiques sera plus durable, moins énergivore, et fera baisser les coûts d’exploitation et d’entretien. Elle pourra aussi favoriser les bénéfices sociaux sur le bien-être, la santé et l’équité. Au moins 1 million de Canadiens et de Canadiennes consacrent plus de 10 pour cent de leurs revenus à leurs factures de services publics; la satisfaction des besoins énergétiques de base devient alors pour eux un réel fardeau. Mettre l’accent sur les investissements en matière d’efficacité énergétique dans le logement à faible revenu et social sera synonyme d’un réel progrès de société.
Pour réaliser ces objectifs, la vision énoncée dans le Cadre pancanadien doit être soutenue par un engagement à long terme. Cela pourrait passer notamment par un financement de mise en œuvre des programmes sur plusieurs années, par une dotation suffisante des services responsables des mesures et par l’adoption de pratiques exemplaires de la part du gouvernement. La réussite de ces initiatives demandera également des mécanismes de reddition de comptes qui garantiront l’utilisation optimale des investissements pour atteindre nos cibles de réduction de la pollution par le carbone d’ici 2030 et 2050.
Des politiques ambitieuses en matière d’efficacité énergétique des bâtiments créeront des emplois locaux, attireront les investissements, renforceront les fondations d’une économie d’innovation et seront profitables pour les familles et les collectivités partout au Canada.